Pierre Soulages : l'artiste est une âme primitive

Publié le par Confidentielle


Je me réjouis du passage de Pierre Soulages à Strasbourg en fin de semaine, à l'occasion de la présentation du catalogue de son exposition "Soulages, le temps du papier".

http://www.musees-strasbourg.org/uploads/documents/presse/Soulages/DP_Soulages%20Fr.pdf

Je ressens bien cette idée de connexion induite dans la création, avec le matériau de l'âme,
au plus juste, au plus simple, au plus rude .... malgré soi.
Cet "en soi" qui demeure par delà le soi, comme une ouverture à ces mondes premiers, désormais
intériorisés.

"L'artiste est une âme primitive", les ponts avec la matière "première", primale ne sont pas coupés.
Récurrence de la résurgence de l'être, toujours ces retrouvailles originelles, à chaque fois resignifiées,
quand bien même la rencontre n'aura pas eu lieu !

"Âme primitive" en tant qu'âme d'avant la concession, dans le brut de la perception, en amont de
tout polissage. L'artiste en tant que convoyeur de la substance extirpée de l'essence de l'âme.

L'état d'absence de mots pour la peinture : exil du langage par un déracinement des mots dans
l'enracinement de la perception ; dépassement et déplacement du sens et des sens.

Réinvestissement par le regard porté, les mots redeviennent passerelle du temps devant l'éternité
mouvante et émouvante de la peinture.

"La peinture est l'état d'absence de mots." P. Soulages

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«Ce que je fais n’est pas du domaine du langage.»
P. Soulages

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« Je ne dépeins pas, je peins. Je ne représente pas, je présente. C’est ma manière d’être,
de regarder, de penser la peinture.»
P. Soulages

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« Quand j’ai commencé à faire de la peinture, je pensais qu’il fallait avoir son tableau dans
la tête avant de le réaliser.
Mais j’ai bientôt compris que peindre dans sa tête, c'est très mauvais.
Se plier à une idée ou à une image préconçues, c’est à coup sûr appauvrir d’emblée
son tableau de tout ce qui pourrait surgir dans le travail.
La peinture est l’exercice d’une liberté. Il faut savoir rester toujours ouvert à l’inconnu
avec sa sensibilité en état d’alerte, à la fois totalement concentrée et totalement réceptive.
J’aime l’acte de peindre enraciné dans la matière, avec tout ce qu’il mobilise en nous
dans le se faisant, l’espace, le rythme. Cela ne s’imagine pas.
La réalité de la peinture en train de se faire est bien plus riche que toutes les fictions
que l’on peut s’en faire à l’avance.
Si on ne fait qu’exécuter ce que l’on a imaginé, on n’est qu’un tâcheron de la peinture.
L’œuvre n’est intéressante que si elle dépasse l’artiste qui la produit.
Et ce dépassement, c’est dans le peinture même qu’il a lieu. Dans la peinture et
rien d’autre.»
P. Soulages


Extrait de "Noir Lumière : Entretiens avec Françoise Jaunin"
Editions La Bibliothèque des Arts (5 novembre 2002) Collection Paroles vives.

41DPXENJFJL. SL500 AA240

 

Françoise Jaunin : Si les mots pouvaient remplacer la peinture, peindre n’aurait
bien sûr plus de sens … Mais alors est-ce que les mots peuvent amener à la
peinture ?

Pierre Soulages : Voilà. Ils y amènent, mais ils restent sur le bord. Ils sont impuissants à
en pénétrer les pouvoirs. Les mots sont des béquilles qui permettent de faire
un petit bout de chemin en direction de l’œuvre. Dans un premier temps, ils peuvent servir à
ouvrir les yeux enlisés dans des habitudes, montrer que l’on voit
davantage avec ce que l’on a dans la tête que devant les yeux. Mais la plus grande
partie du chemin reste hors de leur portée, puisque l’art, justement, est
au-delà.

Françoise Jaunin :
Peindre, qu’est-ce que c’est ? C’est vivre plus ?

Pierre Soulages : Sûrement ! C’est donner du sens à la vie. A la sienne d’abord, puis,
si possible, à celle du regardeur. Mes tableaux sont des objets poétiques capables
de recevoir ce que chacun est prêt à y investir à partir de l’ensemble de formes et
de couleurs qui lui est proposé. Quant à moi, je ne comprends ce que je cherche
qu’en peignant. Picasso aurait dit : «Je ne cherche pas, je trouve.» Mon attitude est
un peu différente : c’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche. Ma peinture
est un espace de questionnement et de méditation où les sens qu’on lui prête peuvent venir
se faire et se défaire. Parce qu’au bout du compte, l’œuvre vit du regard qu’on
lui porte. Elle ne se limite ni à ce qu’elle est, ni à celui qui l’a produite, elle est
faite aussi de celui qui la regarde. Je ne demande rien au spectateur, je lui propose une peinture :
il en est le libre et nécessaire interprète.

http://www.pierre-soulages.com/

n198725676930 2583

http://www.galerie-lansberg.com/imagesBDD/Galerie-Lansberg-catalogue-Soulages.pdf
 

Publié dans Coups de coeur

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A
<br /> Il existe également un DVD sur Pierre Soulages de 2007 Editions Mémoire des arts l' entretien est de Michel Ragon.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Merci Amaryllis. C'est un grand monsieur (1,92 m, je crois  ;-)) et il parle admirablement bien ! Suite à sa<br /> présentation pour l'expo de Strasbourg, je me suis pris "Pierre Soulages - Ecrits et propos" aux Editions Hermann / Arts. Un choix de textes et d'entretiens.<br /> <br /> <br />