Silencieuse distance
Nos paroles sont lentes à nous parvenir, comme si elles contenaient, séparées,
une sève suffisante pour rester closes tout un hiver ; ou mieux, comme si, à
chaque extrémité de la silencieuse distance, se mettant en joue, il leur était interdit
de s'élancer et de se joindre. Notre voix court de l'un à l'autre ; mais chaque
avenue, chaque treille, chaque fourré, la tire à lui, la retient, l'interroge.
Tout est prétexte à la ralentir.
Souvent je ne parle que pour toi, afin que la terre m'oublie.
René Char - Lettera Amorosa - Les Matinaux - Poésie Gallimard