Le silence creuse son lit dans la parole
Le silence creuse son lit dans la parole jusqu'au coeur de celui qui ne l'attend plus,
qui veille et travaille dans la souffrance de sa non-venue.
Balle de nul fusil tirée, à nul horizon comparable, elle se loge dans le coeur bruyant,
pour l'anéantir, et germer.
Nous n'avons plus à dominer la mer, assourdissante, à transcrire le marmonnement
du cyclope...
Le silence qui reflue dans la parole donne à son agonie des armes et comme une
fraîcheur désespérée.
Le moindre mot se charge de violence, même celui que sa violence native
écartait de nous.
Distincte du mouvement des lèvres grises, la parole silencieusement
irradie ... Trajectoire du crépuscule, météore grandissant ....
Jacques Dupin - Le corps clairvoyant - Poésie/Gallimard